ART,  Dans les rues

Dans les rues #6 … avec le Street Art Fest Grenoble Alpes (38, Grenoble)

Hello Maurice,

J’espère que tout le monde va bien.

 

Aujourd’hui, on poursuit notre escapade estivale dans le sud et le centre de la France. Je t’avoue que reprendre le circuit de mes vacances me fait tant de bien durant ce confinement. J’ai l’impression de (re)voyager et de (re)vivre un peu ce moment. Pour (re)lire le premier volet, c’est juste ici.

Alors pour ce deuxième épisode, on reste à Grenoble, pour y découvrir plus en détails son célèbre festival de street art, j’ai nommé le Street Art Fest Grenoble Alpes.

Let’s go !


Street Art Fest Grenoble, le festival

Le festival

Les Grenoblois n’ont pas pu passer à côté : depuis 5 ans, dès le mois de juin, la ville s’active et prend des couleurs pour ce festival. À l’initiative de ce projet, l’association Spacejunk Grenoble et son directeur Jérôme Catz , qui nous propose un musée à ciel ouvert dans la ville de Grenoble, faisant intervenir des artistes locaux et internationaux. Voulant voir plus loin, depuis 2017, le festival s’est agrandi et s’exporte sur les villes à proximité. L’objectif de ce festival est de proposer un tour d’horizon de l’ensemble des techniques et univers existants dans le monde du street art pour le représenter au mieux. C’est ainsi que l’on retrouve de nombreuses fresques, utilisant des techniques traditionnelles ou plus modernes, des collages, pochoirs, installations urbaines, … De quoi en prendre plein la vue avec ces murals gargantuesques, anamorphoses, œuvres numériques, films ou encore photographies.

 

Mais pourquoi Grenoble est-il réellement le lieu propice pour ce genre d’événement ?

Grenoble a toujours été connu pour être avant-gardiste sur l’art en accueillant dès les années 60 le travail d’Ernest Pignon-Ernest, Alexandre Calder ou encore de la coopérative de peintres Les Malassis. Si tu ne connais pas le travail de ces artistes précurseurs de l’art urbain, direction tes bouquins ou Internet pour googliser leur nom et plonger dans leur univers.

Au fur et à mesure des années, de plus en plus de messages sont écrits sur les murs, et la scène locale se développe et prend pouvoir sur la ville.

Lors de ce festival, le lien entre l’artiste et le spectateur est au cœur du projet et la médiation est un de ses gros atouts : l’équipe du festival te propose des visites guidées, des circuits de découverte des œuvres, des rencontres d’artistes, des initiations à la bombe ou encore à la peinture, … et j’en passe. Tout est mis en place pour rendre ce festival accessible, abordable et surtout, ouvert à tous.

L’évolution du festival

Un petit tour rapide de son évolution pour que tu puisses comprendre et voir son ascension fulgurante.

Pour son lancement en 2015, 30 artistes sont intervenus pendant 20 jours pour produire plus de 40 œuvres. Un départ sur les chapeaux de roues.

En 2016, on dépasse les 100 œuvres réalisées avec 40 artistes sur place.

Voyant de plus en plus grand, en 2017 et 2018, les artistes ont pu se produire hors des murs de Grenoble et investir les rues de Fontaine, Saint-Martin d’Hères, et Pont-de-Claix. Cette expansion soudaine du festival permet d’apporter une vision métropolitaine de Grenoble, plus vaste, plus complète comme l’est l’univers du street art et de l’art urbain. Le Street Art Fest Grenoble devient alors le Street Art Fest Grenoble Alpes.

2019 est, selon moi, l’année à marquer au fer rouge. Une année qui marque un tournant, avec sa diversification et l’apparition de deux nouveaux festivals en lien avec le Street Art Fest : le Digital Street Art Fest, qui allie l’inventivité, l’innovation et l’art, et le Street Art Run, running et balade culturelles qui viennent clôturer le festival.

De plus, pour cette édition, une autre super nouvelle.

Shepard Fairey, plus connu sous le nom d’Obey, a choisi Grenoble et le Street Art Fest Grenoble Alpes pour fêter ses 30 ans de carrière. Pour l’occasion, l’artiste a voulu prolonger son investissement dans la ville en proposant une rétrospective incroyable de son travail sous forme d’exposition qui durera 5 mois.

L’édition 2020

Pour cette « année parenthèse », comme j’aime tant l’appeler, il a fallu tout réorganiser pour ne pas réaliser une année blanche et avec les nombreuses règles sanitaires de cet épisode exceptionnel, tout le festival et ses activités ont donc du être repensées, pour le faire vivre et nous changer les idées en ces temps moroses.

À conditions exceptionnelles, nom exceptionnel. « Résilience », c’est le nom qui a été choisi pour cette dernière édition et je crois que le mot n’a pas pu être mieux choisi.

Impacté par les aléas de l’épidémie, les artistes pouvant se déplacer ont réalisé leur fresque en deux phases : du 1er juin au 31 juillet et du 1er septembre au 31 octobre. Aujourd’hui on comptabilise donc près de 26 œuvres réalisées dont 15 monumentales.

Ces œuvres ont pu voir le jour grâce à la détermination et l’organisation de SpaceJunk et ses bénévoles, mais aussi par la motivation des artistes invités. Un véritable travail d’équipe, qui a permis encore à ce festival de faire carton plein cette année.

Pour voir l’ensemble des œuvres du festival au fur et à mesure des années, c’est juste ici que ça se passe, ou sinon, c’est directement sur l’application du festival.

Les œuvres coups de cœur

Broken Glass, par Simon Berger (2020)

Ok, alors on arrête tout : nous sommes en présence d’un génie.

Ma tête à 30cm de la vitrine de la devanture, je cherche tant bien que mal l’oeuvre qui se trouve précisément où j’ai mis mes pieds. À ce moment, je n’ai pas du tout percuté que les fractures, brisures de la vitre composaient une oeuvre si précise, et au final, poétique. Bien évidemment, j’ai découvert son oeuvre tout d’abord au travers de mon appareil photo en prenant une photo au pif. En 1 sec, après avoir pris ma première photo, l’amas de bris de verre était devenu deux visages bien distincts. C’est dans ces moments que je me dis que l’art, qu’une oeuvre, appartient à celui qui sait la regarder.

Depuis 8 ans, cet artiste-artisan façonne en atelier des portraits hyperréalistes de personnes connues ou inconnues, impressionnantes créations faites de bois, métal, et verre.

Pour cette version verre que l’on peut retrouver sur Grenoble, l’artiste utilise le marteau, en donnant des coups à degrés variables, pour laisser apparaître des « visages-impacts ». Tout est réfléchi dans son oeuvre, un travail incroyablement millimétré, maîtrisé.

Bref, je suis sous le charme de son travail.

 

Mur à retrouver au 119 Cours Berriat (Complexe A Raymond), Grenoble.

A pale blue dot, par INTI (2020)

On arrête tout une deuxième fois : nous sommes en présence de celui que j’assimile au dieu des murals (et aussi des prints, des esquisses, …).

Inti, artiste originaire de Valparaiso (Chili), met du jaune et du violet dans ta vie. Jaune pour représenter la lumière, la fête et célébration au soleil, et du violet pour le sacré, cette teinte était portée anciennement par le clergé catholique. Un mix des deux couleurs, de deux cultures pour partager un message de fraternité/sororité sur notre monde : c’est en s’acceptant comme nous sommes que nous serons heureux ensemble.

Depuis ses 14 ans, la rue est un parfait terrain de jeu où il se sent parfaitement serein. Ses murs sont époustouflants de par leur grandeur  (comme tu pourras le voir prochainement sur l’article à Marseille) mais aussi de par leur complexité :  truffés de symboliques fortes, petit mix de notre culture, comme un véritable miroir de notre société. La culture latino-américaine est omniprésente dans son travail, et ses voyages lui permettent d’enrichir constamment son univers et ses références.

Pour Grenoble, l’artiste a voulu mettre l’accent sur notre capacité à nous sauver nous même, et sauver notre planète qui va si mal, qui fait que de nous le crier.

Cette femme délicate et fragile d’un jaune immaculé et solaire, tient dans ses mains la Terre, notre Terre, vulnérable face aux gants, présentant les menaces planant sur elle telles que la pollution, l’argent, … Un joli clin d’œil, avec ce titre qui reprend le titre d’un ouvrage de Carl Sagan, vulgarisant la place de l’Homme dans l’univers.

 

Mur visible au 17 rue Jules Flandrin, Grenoble.

Unité, par LPVDA (2020)

Le Suisse LPVDA, aka Les Pinceaux Verts D’Antoine, est le paysagiste que je rêve d’avoir pour pimper bien comme il faut mon jardin que je n’ai pas encore. C’est par action de ponçage du bois que l’artiste fait naître ses personnages. Là où le peintre cherche les ombres dans la création de son oeuvre, LPVDA créé la lumière, en ponçant plus ou moins.

Subjuguée par son travail sur le parement de façade de chalet dans les Alpes, son travail apparaît comme un souvenir ancré dans le bois. Outre son travail du bois, l’artiste peint et dessine aussi.

Pour cette année, l’artiste avait à disposition une façade de l’institut régional de formation sanitaire et sociale de la Croix-Rouge Française à Grenoble. Le bardage bois, travaillé par l’artiste selon sa méthode du street poncing, a laissé apparaître le visage d’Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge Française. Les mains que l’on retrouve à plusieurs reprises, fait référence aux liens sociaux et aux métiers du soin de la Fondation.

Mur disponible à l’angle de l’avenue Rhin et Danube, Grenoble.

Adolescence, par Bezt (2019)

Arrêtez touut (encore ?) : bienvenu dans le monde autant serein que puissant de Bezt. Membre du Etam Cru, célèbre duo avec Sainer, Mateusz Gapski, de son vrai nom, travaille autant sur des murs grands formats que sur de petites toiles. Seul point commun : l’acrylique. Le polonais nous présente des scènes et personnages surréalistes qu’il insère dans un monde onirique et sensible. Ce qui me surprend beaucoup dans le travail de cet artiste, c’est l’authenticité et la lumière que son oeuvre apporte dans un lieu. Il donne vie, apporte ou redonne une part d’âme à un lieu.

Fortement inspiré par ses origines des pays de l’est, le folklore et la culture est souvent présente, mais toujours avec une touche de modernité.

 

À Grenoble, Bezt propose un tableau d’une jeune femme aux détails sombres, mais néanmoins apaisant et bucolique, notamment avec les fleurs sortant du pull présentes. L’artiste n’aimant pas jouer le prof d’Arts Plastiques, nous donne jamais d’explications sur ses fresques et tableaux. L’idéal selon lui est de laisser le spectateur faire son propre avis, de laisser voguer son imaginaire.

Avec son regard mystérieux et triste, j’ai eu du mal au premier abord à me laisser prendre par l’oeuvre comme mal à l’aise, son regard insistant nous suivant. Après quelques minutes, je me suis laissée prendre au jeu, cherchant à savoir ce à quoi elle pensait … et c’est là que j’ai trouvé l’oeuvre forte. L’intrigue est si forte qu’elle en est dérangeante, puis finalement intéressante.

Mur à découvrir sur le Mail Marcel-Cachin, Fontaine.

Ashen, par Néan (2019)

On finit avec un des maîtres de la transparence, j’ai nommé Néan. Outre le fait que j’adore les teintes pastel, ses qualités techniques en photo réalisme, le Belge emprisonne les souvenirs pour les ancrer sur un mur, comme on cherche à le faire dans notre mémoire. Un souvenir reste un souvenir et s’envole avec le temps, comme on repasse un mur dans la rue. Des traces restent, mais les nouveaux souvenirs remplacent les premiers. Ayant moi-même de sérieux problèmes de mémoire, cette thématique fait partie de ma vie, et voir les artistes la travailler me touche toujours un peu plus.

Débutant sur papier, Néan est vite passé à l’aérosol pour peindre sur les murs. En 2014, il rejoint le célèbre collectif Propaganza et y fait ses armes.

 

Pour le Street Art Fest,  on retrouve les couleurs pastel de l’artiste, orangées et bleues, avec le portrait d’une jeune femme aux fleurs, au regard triste. On remarque encore avec cet artiste, la force des expressions du personnage et la transparence des oiseaux, comme un arrêt sur image, une photo en prise longue. Ce parallèle entre photo et peinture me fascine, même en écrivant ces quelques mots.

Direction 107 rue des Taillées – Résidence Ouest bâtiment G – Crous de Grenoble pour l’admirer.


C’est tout pour moi mon p’tit Maurice !

C’est fini pour Grenoble avec ce deuxième volet des vacances. L’année prochaine (ou l’année d’après) c’est sûr, je tente de rester un peu plus de temps sur place pour suivre 1 ou 2 artistes durant la création de leur mural.

Ça doit être si impressionnant de les voir à l’oeuvre vu la grandeur des murs proposés.

 

Pour le prochain article, direction Marseille pour la découverte de cette ville si surprenante, et tu verras vite pourquoi.

En tout cas, si tu as des questions sur notre escapade, n’hésite pas à me dire, j’y répondrai avec joie.

 

En attendant la suite,

Prends soin de toi et à très vite.

La bise,

Margaux

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *